- NIGDÉ
- NIGDÉNIGDÉLa ville de Nigdé est bâtie sur le plateau anatolien à près de 1 200 mètres d’altitude, au bord oriental de la steppe centrale. Le site tient son importance de la colline sur laquelle est construite la citadelle. Celle-ci, en effet, permet de contrôler le débouché d’une voie de commerce et d’invasion: la route qui, par les Pyles ciliciennes du Taurus — qui culmine dans ce secteur à 3 734 mètres —, relie la Cilicie à la Cappadoce. L’agglomération est constituée d’une ville haute et d’une ville basse entourée d’une oasis qui donne au site un aspect riant, en constraste avec celui des environs, arides et désolés.Il n’est fait aucune mention de la ville avant le XIIe siècle. À l’époque hittite, la capitale de la région avait été Tuvanuva, la Tyana des époques romaine et byzantine qui prit en arabe la forme de Taw na. Tyana fut successivement supplantée par Bor puis par Nigdé. D’après une hypothèse admise, l’ancien nom de la localité, Nak 稜d , peut être à l’origine du nom turc moderne. Les Turcs conquirent la ville sur les Byzantins à une date indéterminée. Elle est mentionnée pour la première fois lors du partage des possessions du sultan Kilidj Arsl n II entre ses fils en 1189; elle est alors attribuée à Malik Arsl n sh h. Au XIIIe siècle, Nigdé est le siège d’une des grandes circonscriptions militaires de l’Empire seldjouqide; plus tard, elle sera placée sous la suzeraineté des Mongols. Le chef de la tribu qui surveille les défilés proches de Nigdé, Sunghur Agha, se rend indépendant des Éretnides. À la fin de la domination de cet émir la ville passe, en 1336, aux mains des Karam nides. Ceux-ci la défendent contre les attaques de l’Éretnide Al ad-D 稜n Al 稜 vers 1379 et contre celles de Burh n ad-D 稜n, maître de Kayseri. Après le passage de Timour Lenk, le pouvoir des Karam nides s’étend, et Nigdé cesse d’être une ville frontière, mais reste un de leurs points d’appui. En 1470, Nigdé se soumet aux Ottomans; elle deviendra le centre d’un sandjak, puis le chef-lieu d’un vilayet réputé pour sa production de tapis.Sur une colline qui domine la ville se dressent les ruines d’une imposante citadelle, construite à la fin du XIe siècle et remaniée par les Ottomans. Il est probable que le donjon est leur œuvre. Au pied de la colline restent encore visibles quelques vestiges de l’enceinte circulaire renforcée de bastions. Parmi les édifices civils, on notera le Bedestan, un marché du XVIe-XVIIe siècle, long de 80 mètres, voûté en berceau brisé, bordé de boutiques. Il existe quelques hammams, dont certains remontent au début du XVe siècle, et de nombreuses fontaines. Les monuments religieux présentent un grand intérêt. La mosquée d’Al ad-D 稜n, qui date de 1223, se dresse au sud de la citadelle. D’époque seldjouqide, elle a une salle de prières de 21 mètres sur 26, divisée en trois nefs par deux rangées de quatre colonnes, avec trois coupoles alignées dans la travée parallèle au mur du mihrab. Le portail est richement décoré, avec des bandeaux à motifs géométriques et une voussure à alvéoles. La mosquée de Sunghur beg, construite en 1335 en face du Bedestan, est de type postseldjouqide. La salle de prières est de plan rectangulaire avec un plafond de bois plat reposant sur des supports également en bois, tandis que le toit est en tuiles. Le portail monumental qui s’ouvre au nord a un encadrement à mouluration et à décor géométrique. Au-dessus du linteau de la porte latérale est, une fenêtre à rosace sculptée a suscité l’hypothèse d’influences occidentales de type gothique venant de Chypre ou de la Cilicie arménienne. L’Ak madrasa, construite en 1409, témoigne de la prospérité de la ville au XVe siècle et de la sollicitude des princes Karam nides. Elle est presque intacte. Le portail à voussure d’alvéoles s’écarte ici du type seldjouqide. En effet, sa mouluration d’archivolte en forme d’accolade ne s’harmonise pas avec les lignes droites classiques, comme l’a noté l’archéologue turc Yetkin. La cour intérieure est de plan rectangulaire; sur le portique à deux niveaux donnent des salles de cours et les chambres des étudiants, sauf du côté sud, où s’ouvre la large baie d’un iwan pourvu d’un mihrab, pour la prière. Tandis qu’à l’étage on voit des arcs en plein cintre, au rez-de-chaussée les piliers sont reliés par des arcs en ogive, ce qui est nouveau en Anatolie. Le second élément original de cette madrasa, ce sont les loggias encadrant le portail au niveau du premier étage, qui apparaissent pour la première fois sur une façade. Chaque baie a des arcs en ogive jumelés avec une petite colonne au milieu. Au nord-ouest de la ville se dressent trois turbés du XIVe siècle, parmi lesquels celui de Hudavend Hatun, construit en 1312, se distingue par son décor. La princesse fut inhumée en 1332 dans ce mausolée de type seldjouqide. Construit sur un soubassement carré renfermant la crypte, le turbé a l’aspect d’une tour trapue avec un tambour à seize côtés, chacun avec une arcature circonscrivant un décor floral en relief. Un toit pyramidal surmonte une coupole intérieure. Sur la face externe de chacune des trois fenêtres on peut voir, au-dessus de l’arc de décharge, des bas-reliefs martelés représentant un lion, des rapaces et des animaux à tête humaine. Ce sont toutefois les motifs géométriques et floraux qui dominent dans le décor de ce tombeau.Par la variété de ses monuments, Nigdé est une des villes où l’art seldjouqide est le mieux représenté.
Encyclopédie Universelle. 2012.